Changement climatique et agriculture : quelles solutions pour les années à venir ?
Depuis plusieurs années, les évolutions climatiques ont de lourdes conséquences sur les exploitations. Des inondations en hiver aux extrêmes chaleurs de l'été, la dérégulation du climat impacte fortement le quotidien des agriculteurs. Après des épisodes de sécheresse importants durant l'été 2022, les agriculteurs adhérents de la Corab (coopérative de producteurs bio) se questionnent quant à l'avenir de leur métier.
Des températures records 2022
"Cette année, la sécheresse a commencé tôt" déclare Luc Suret, agriculteur bio à Migré en Charente-Maritime sur sa ferme de 100 hectares. À partir d'avril, la pluie s'est arrêtée et les cultures ont commencé à souffrir. "Les fortes températures et le manque d'eau ont bloqué les plantes en faisant couler les fleurs" observe Luc Suret. Même constat du côté de Jean Boutteaud, agriculteur bio à la Ferme des Sens, qui qualifie cette sécheresse de "particulièrement violente". Pour Jean Boutteaud, nous sommes sur un réel dérèglement climatique depuis déjà 4 ans, avec d'une année sur l'autre, des excès d'eau puis des périodes caniculaires, "ces variations sont terribles pour les plantes" rajoute-t'il.
Les premières récoltes de juin se font sous des conditions climatiques difficiles avec des températures s'élevant à 40°C. "On observe des taux d'humidité dans les graines très bas, avec des plantes desséchées" analyse Luc Suret. Fin juin, l'espoir revient avec une première pluie très bénéfique pour les cultures d'automne telles que les tournesols et les haricots. Espoir de courte durée car après ce nuage d'eau, la météo repart sur un cycle sec et chaud. On assiste alors à des récoltes très précoces, avec l'arrivée des premiers pois verts à partir de mi-juin et des haricots mi-août.
"Fin du robinet sur les haricots"
Les cultures dérogatoires (exceptionnellement autorisées pour irriguer une culture en demande d'eau) comme le haricot ont pu bénéficier d'une petite quantité d'eau fin juillet, mais très vite, les prélèvements d'eau pour l'agriculture - y compris les cultures dérogatoires - sont interdits. Sans eau, le haricot ne résiste peu ou pas à ces épisodes caniculaires et cette culture se retrouve très fortement impactée, provoquant de faibles rendements qui ne couvrent pas les coûts de production. "Mais l'argent ce n'est pas grave car ça ne se mange pas, le problème, c'est qu'avec l'absence d'irrigation, on se prive d'un certain nombre de repas" explique Luc Suret.
Quel avenir pour les agriculteurs bio ?
Dans ce contexte récurrent d'incertitude météorologique, le métier d'agriculteur est de plus en plus complexe avec des difficultés croissantes à se projeter sur l'avenir tant les rendements et donc le revenu sur la ferme sont incertains. Pour Luc Suret, "c'est la première année où l'impact est aussi fort, on a battu les records de 1949". Auparavant, les agriculteurs avaient une certaine expérience pour s'adapter et anticiper les changements climatiques. Aujourd'hui, Jean Boutteaud a l'impression que l'expérience ne suffit plus tant le climat est imprévisible, "peut-être que cette année il va faire très froid donc nos cultures vont geler ? Ou bien peut-être qu'il va pleuvoir pour les deux années à venir ?" se questionne l'agriculteur.
Luc Suret, agriculteur bio
Si ces épisodes de sécheresse se reproduisaient d'un été à l'autre, alors les agriculteurs pourraient envisager d'adapter leurs modes de production en allant vers des cultures plus résilientes, même si ce n'est pas facile. Or, le temps est incertain : entre les excès d'eau de 2021 et les hautes températures de 2022, cette dérégulation ne permet pas de se projeter sur les prochaines cultures. "On ne peut pas planter des orangers s'il se met à geler fortement l'hiver" appuie Luc Suret.
La solution : diversifier sa ferme ou "ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier".
À l'avenir, l'enjeu est d'anticiper ces vagues de chaleur pour protéger les cultures à destination de l'alimentation humaine. Chaque culture a des besoins différents. Certaines sont exigeantes en eau, c'est le cas par exemple du haricot, et d'autres comme le petit épeautre, le blé ancien ou le millet résistent bien aux sécheresses estivales.
Au-delà de rechercher des cultures plus pérennes que nous allons implanter sur plusieurs années, l'objectif est de renforcer la biodiversité sur les fermes, avec des surfaces en herbe beaucoup plus importantes, des prairies, des arbres, des luzernes et la création de lieux d'accueil pour la faune auxiliaire. Selon nos agriculteurs, plus la ferme sera diversifiée et en autonomie et mieux ils répondront aux éventuelles répercussions météorologiques.
Une prise de conscience collective
"Aujourd'hui, nous raisonnons dans un monde d'abondance : quand on ouvre un robinet, on y voit l'eau couler. Alors que nous devons rentrer dans une certaine sobriété et ne pas oublier que l'eau est un bien commun, elle est précieuse." Jean Boutteaud.
Pour opérer des changements durables et résilients, il faut également passer par une prise de conscience collective et "ne pas oublier que les aliments sont avant tout des choses que l'on doit produire" ajoute Luc Suret. Encore faut-il que la demande des consommateurs suive. En effet, le millet ou encore le sorgho sont des céréales très peu utilisées en alimentation humaine. C'est pourquoi agriculteurs, marques et transformateurs doivent agir pour sensibiliser la population à une alimentation stable et durable.